Convention collective et portage salarial : ce que vous signez vraiment

Quand on parle de portage salarial, la discussion tourne vite autour du statut hybride, de l’autonomie du consultant, de la sécurité du salarié. Mais il y a un document que peu lisent réellement, alors qu’il conditionne une partie non négligeable des droits : la convention collective. Et dans ce cas précis, on parle de la convention collective des entreprises de portage salarial, entrée en vigueur en 2017. Elle n’a rien d’un texte décoratif. Elle est au cœur du fonctionnement du secteur.

Pourquoi cette convention existe

Le portage salarial est resté longtemps dans un flou juridique. Jusqu’en 2008, ce n’était pas un statut officiellement reconnu. En 2017, la signature d’une convention collective dédiée a marqué une normalisation. Le secteur devenait enfin encadré par des règles précises, négociées entre partenaires sociaux.

Ce texte délimite les obligations de l’entreprise de portage, les droits du salarié porté, les règles d’ancienneté, de rémunération minimale, les procédures de rupture de contrat. Il harmonise des pratiques qui, jusque-là, variaient d’une société à l’autre.

Trois niveaux de salaire minimum

Une des notions centrales, c’est la rémunération minimale garantie. Contrairement à ce qu’on croit parfois, le salaire d’un consultant porté n’est pas une simple question de pourcentage prélevé. La convention impose des seuils :

  • Pour un salarié porté junior, sans mission, la rémunération minimale est équivalente à 70 % du plafond de la Sécurité sociale.
  • Pour un salarié en mission, c’est 75 %.
  • Et pour les profils confirmés (au-delà de 3 ans dans le portage), on passe à 85 %.

Cela oblige les entreprises de portage à proposer un cadre cohérent, et évite certains abus, notamment sur des profils débutants qui auraient été tentés de signer à n’importe quel tarif.

Un droit à la formation encadré

La convention collective a aussi imposé des obligations précises en matière de formation. Les salariés portés cotisent à la formation professionnelle comme tous les salariés. Mais la convention encadre l’accès : l’entreprise de portage est tenue de proposer un accompagnement professionnel, des dispositifs de montée en compétences, voire un plan individuel de formation.

C’est un point crucial. Beaucoup de salariés portés évoluent dans des métiers en tension ou à évolution rapide (digital, tech, conseil). Sans formation, le risque d’obsolescence est réel. La convention pousse donc les entreprises à jouer un rôle actif, et non à se contenter de gérer les fiches de paie.

Arrêts maladie, congés et rupture : pas d’angle mort

Un autre mythe persistant : « Le portage, c’est bien, mais si on tombe malade, on n’a rien. » Faux. La convention collective impose un socle de protection sociale équivalent à celui des salariés classiques. En cas d’arrêt de travail, le salarié porté bénéficie d’un maintien de salaire sous conditions d’ancienneté. Pareil pour les congés payés, calculés en jours ouvrables comme dans toute entreprise.

Et pour les ruptures de contrat ? Là encore, les procédures sont encadrées. Un salarié porté ne peut pas être « désinscrit » sans motif valable. La convention prévoit un préavis, des motifs objectifs, des droits à l’assurance chômage. On est loin de l’image d’un prestataire jetable.

Anecdote : le cas de Julien, formateur indépendant

Julien, 42 ans, formateur en gestion de projet, travaille via le portage salarial depuis cinq ans. Lors d’un ralentissement d’activité, sa société de portage a voulu rompre son contrat pour inactivité. Ce qu’elle ignorait, c’est que Julien, en mission six mois sur les douze derniers, entrait dans la catégorie des salariés portés en activité régulière. Grâce à la convention collective, il a pu faire valoir son droit à un préavis complet et a été accompagné par l’entreprise pour repositionner son offre. Sans ce texte, il aurait simplement été remercié par mail.

Une convention qui évolue

Ce n’est pas un texte figé. Depuis 2017, la convention collective a été modifiée à plusieurs reprises pour s’adapter à l’évolution du secteur. Dernière actualisation notable : la clarification des règles concernant les frais professionnels. Désormais, la prise en charge des frais de mission est mieux définie, avec des plafonds et des obligations de justificatifs précises.

Il est donc essentiel de suivre ces évolutions, car elles peuvent avoir un impact direct sur les pratiques quotidiennes, notamment la facturation ou la gestion des dépenses. Pour en savoir plus sur les nouveautés, n’hésitez pas à suivre les sites des entreprises du secteur.

Ce que ça change pour vous

Comprendre la convention collective du portage, ce n’est pas un luxe réservé aux juristes. C’est ce qui vous permet, en tant que consultant, de savoir si votre rémunération est conforme, si votre protection sociale est assurée, et si vos droits sont bien respectés. Et pour les entreprises de portage, c’est une ligne de conduite qui garantit transparence et conformité.

Alors oui, c’est un document technique, avec ses articles et ses annexes. Mais c’est aussi ce qui protège les équilibres du modèle. Le portage salarial n’est pas une jungle : c’est un contrat tripartite dans un cadre juridique solide. Et ce cadre a un nom : la convention collective du portage salarial.